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Avez-vous déjà remarqué, dans vos relations de travail, qu’il y a toujours des collaborateurs qui ne prennent jamais la parole et se placent systématiquement en retrait ?

Le risque est double :

  • pour ces personnes, risque d’engendrer frustration et démotivation ;
  • pour le manager et donc l’entreprise, risque de ne pas bénéficier de leur pleine valeur, que ce soit en matière de partage d’expertise ou de détection du potentiel, sachant notamment que la promotion est encore très souvent liée à la capacité de se rendre visible et de se faire entendre.

oser prendre sa place au travail

Quelles en sont les causes ?

Elles sont multiples : caractères timides, introvertis, sans oublier les personnes démotivées… Tous ces cas nécessitent une vigilance accrue du manager.

Le sentiment d’imposture et d’infériorité, les doutes, la peur de l’échec sont également des explications. Et je sais d’expérience combien d’hommes ressentent aussi cela au travail. Une simple observation de notre environnement professionnel suffit pour remarquer que, chez les femmes, cette réalité revêt une dimension systémique et sociologique.  

C’est d’ailleurs le constat partagé par Sheryl Sandberg (Directrice des opérations de Facebook) dans son ouvrage « Lean In : Women, Work, and the Will to Lead » et dans son TedEx au plus de 1 000 000 de vues[1]. Partant de sa propre expérience, elle conseille notamment à celles qui souhaitent prendre des postes à responsabilités d’arrêter de se mettre de côté et d’oser s’asseoir à la table.

Cécile ou le « much pain, no gain »

De formation généraliste, Cécile avait été nommée en binôme en tant que chef d’un projet majeur d’une très grande technicité. En plus d’être dans un domaine inconnu pour elle, il s’agissait là de son 3e projet en 2 ans. Cécile était donc également très fatiguée.

Pétrie de doutes, mais avec la conscience aigüe de l’importance de cette mission pour l’entreprise, Cécile s’est mise à la tâche, en souhaitant évidemment que cet investissement personnel soit aussi récompensé.

Le temps de passer cette période inconfortable, Cécile a pour une fois la possibilité de s’appuyer sur son binôme, beaucoup plus à l’aise techniquement, car il est ingénieur spécialisé dans ce domaine.

Elle multiplie donc les consultations pour cadrer le projet, embarquer ses collègues et n’oublier aucune interface. Elle rédige l’ensemble des documents de préparation du projet, suit le budget et veille au delivery. Autant de missions qu’elle mène, tambour battant, en bilatéral ou dans son bureau – bref, sans jamais se mettre sur le devant de la scène.

Et quand elle lève un lièvre, elle en informe son binôme pour vérifier si sa compréhension est exacte. Ce dernier s’en empare alors brillamment et en informe le COMEX et autres instances dirigeantes. Cécile croule sous le travail : en journée, pilotage intensif du projet, en soirée et le week-end, lectures et recherches pour approfondir ce domaine technique.

Aussi, et comme à chaque fois, au bout de quelques semaines, Cécile a développé une compréhension systémique et globale de ce projet et est entrée suffisamment dans la technique, ce qui lui a permis d’ailleurs d’éviter le plantage du projet. Bref, une belle réussite… en toute invisibilité !

Cécile cherche alors à revenir au bon niveau, celui de « chef de projet senior » au même titre que son binôme, mais il est trop tard pour une promotion. On lui fait comprendre que « la place est prise ». Elle ronge son frein, le projet s’arrête en novembre. C’est justement la période des primes de fin d’année. Son binôme empoche la mise et la belle promotion, Cécile touche seulement une prime moyenne. Ite missa est !

Pourquoi est-il plus facile d’être un homard ?

Cécile a sa part de responsabilité dans cette promotion qui lui passe sous le nez, me direz-vous. Il est vrai que, sortant de sa zone de confort, elle s’est abritée le temps de monter en compétence derrière son binôme.

Le fait de se mettre à l’abri, dans une période de vulnérabilité, est pourtant un processus normal dans la nature. Prenons l’exemple du homard, ce qui est aussi valable pour l’écrevisse. Saviez-vous que le homard mue, et ce en moyenne 22 fois au cours de sa vie ? Quand le crustacé grandit et qu’il se trouve à l’étroit, il cesse de se nourrir et se cache dans un endroit protégé afin de sortir de sa vieille carapace. En quelques jours, toujours à l’abri, celle-ci va durcir. Et c’est seulement lorsqu’il sera à nouveau armé contre les prédateurs, qu’il sortira de sa cachette pour recommencer à s’alimenter

Dans le milieu du travail, sortir de sa zone de confort est tout aussi impératif pour grandir que pour le homard. Mais dans le cas de Cécile et comme souvent, il n’y a pas de mise en retrait possible. Il faut à la fois faire sa mue et délivrer les résultats dans un environnement exigeant et concurrentiel.

Cette capacité à se mettre en avant, même dans les périodes de doutes, requiert une grande confiance en soi, c’est-à-dire en sa faculté à faire face et donc, une grande sécurité intérieure.

Oser prendre sa place autour de la table : 5 étapes importantes

Ceci n’est donc pas aussi évident pour tout le monde, notamment pour les femmes. D’où l’indispensable conseil de Sheryl Sandberg de prendre sa place autour de la table et de faire entendre sa voix.

Première étape

Observez la manière dont le mécanisme se met en marche et l’importance des conséquences en termes de progression professionnelle. En effet, introduire de la conscience dans ces implicites et ces biais, c’est déjà une grande part du chemin de parcouru.

Deuxième étape

Il est nécessaire de travailler sur la peur. D’où vient-elle ? Peur de décevoir, de mal faire, sentiment d’imposture ? Ce comportement est-il récurrent chez moi ? Y a-t-il un phénomène de répétition ? Si oui, en chercher les causes et être vigilant.

Troisième étape

Après avoir compris ses peurs, travaillez sur votre valeur. Objectivez-la ! Un exercice utile en la matière est de bien détailler les attendus de la mission et le rôle de chacun.

Reprenons l’exemple de Cécile : son binôme est un ingénieur spécialiste du sujet, Cécile est une experte en gestion de projet. Établir avec son binôme un clair partage des responsabilités aurait pu permettre de préciser que celui-ci serait en charge des inputs techniques et de la qualité des résultats tandis que Cécile s’occuperait du budget et du planning, notamment du fameux chemin critique (cf. le fameux Triangle d’or de la gestion de projet).

Quatrième étape

Il est temps de prendre des risques. Les femmes sont traditionnellement plus réfractaires à le faire. Pour objectiver et ôter tout fantasme, vous pouvez utiliser une classique matrix de risques, croisant sévérité et probabilité.

Cinquième étape

Débarrassez-vous de vos inhibitions. Non, une femme qui prend la parole et dit ce qu’elle pense n’est pas autoritaire ou hystérique (et cela est valable pour un homme également).

Une femme qui se lève et saisit le micro, c’est juste une personne qui contribue utilement au succès de l’entreprise, par son expertise unique et par ses questions qui font réfléchir et progresser. 

[1] https://www.ted.com/talks/sheryl_sandberg_why_we_have_too_few_women_leaders?language=fr